Zoubizoubizou...

 

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J’ai ce ticket rose dans une grande corbeille couleur bronze, sorte de grand bouclier faisant office de vide-poche, juste en face de la porte d’entrée. Il est là, pas tout à fait caché, pas non plus rangé, simplement là, à proximité du quotidien, au milieu d’autres objets courants et utiles, eux. Vous savez, c’est un vrai ticket, en carton, bien réel, à moi, et c’est un ticket usagé. Il a servi ! Et, vous l’avouerais-je, il a pour moi plus de valeur que son poids d’or ou que son prix.

On oublie vite la cohue de l’entrée et des vestiaires. On oublie le commerce déplacé et abusif qui s’y pratique – la photo de couple vendue à prix d’or, les accessoires en vitrine. On oublie vite la proximité de ses voisins de spectacle, que l’on voudrait absents de ce moment d’intimité à la frontière du sexuel – l’exigüité n’isole pas des contemporains, mais en contrepartie permet à la scène de ne jamais être bien loin… On oublie le temps qui se met à filer à toute allure, impossible à retenir autant qu’on le voudrait. On oublie vite l’ombre ariesque qui plane sur cette Dita von Teese, invitée vedette de cette mouture du spectacle.

 

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Ces insignifiances s’effacent, s’oublient, disparaissent, pour ne laisser en mémoire, en fin de compte, et c’est tant mieux, qu’une impression de trouble, surréaliste, dense et fugace, signature des souvenirs d’exception. Dans ce lieu d’élégante perdition tendu de velours rouge, on y reluque des filles nues, fardées et dansantes, la peau habillée de lumière colorée et d’ombre, en sifflant sa bouteille de Champagne frappé. Faut-il je vous l’accorde, aimer les filles nues et aimer le Champagne – non pas l’alcool, mais le « moment » Champagne… On pense qu’avec Internet et les reportages télévisés de fin d’année, on a tout ce qu’il faut pour se faire une idée, et d’être ainsi aussi superbement pris à contrepied fait partie du plaisir : il y a un monde entre se l’imaginer et le vivre.

 

Ce ticket a une grande valeur, sentimentale, pour ne pas dire intime, parce que…

 

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Parce que cette soirée sexy était un cadeau offert par celle que j’aime, par celle qui me connaît, par celle par qui je ne suis plus seul dans le monde qui est le mien. Parce que ma main n’a pas quitté le fin nylon des bas de ses cuisses durant tout le spectacle. Parce que je sentais son trouble à elle, ses soupirs, ses commentaires étouffés, qui me confirmaient qu’elle n’était pas venue que pour mon plaisir – et Dieu sait que son plaisir est mon horizon. Parce que ce moment a été d’une intimité inouïe, établissant les règles non dites de mon regard sur les autres femmes – « je veux bien que tu regardes, mais je veux voir ce que tu vois ». Parce que ce soir là était le soir de la Saint Valentin. Parce que ce soir là était une surprise, enchâssée dans les jolis moments d’un séjour amoureux à Paris, au cœur de Montmartre, sous les toits.

 

Ce ticket a la valeur d’un voyage immobile à la hauteur de mes rêves, sorte d’aller simple vers ce que j’ai toujours souhaité, attendu, voulu ardemment, et qu’elle me donne, en toute simplicité, sans calcul, sans fuite en avant, avec juste cette pointe d’audace qui me libère de mes chaînes, et m’invite à oser.


Phin.

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